Fin de vie : Appliquer la loi !
Avant d’envisager la mise en place d’une convention citoyenne, il serait préférable de renforcer le cadre juridique existant, en formant les soignants et en informant les patients, estime le juriste Laurent Frémont, fondateur du collectif Tenir ta main, dans une tribune au « Monde ».
Après le climat, c’est au tour de la fin de vie de faire l’objet d’une convention citoyenne. On laissera chacun juger de la pertinence d’un tel calendrier, alors que nos concitoyens sont confrontés à des angoisses autrement plus concrètes que cette éternelle question de société. Mais on s’interrogera davantage sur l’opportunité d’une nouvelle loi sur la fin de vie, six ans à peine après le vote de la loi Claeys-Leonetti.
1999, 2002, 2010, 2016… Au cours des dernières décennies, le cadre juridique de la fin de vie a fait l’objet de nombreuses évolutions législatives, bien davantage que dans d’autres domaines moins sensibles du droit médico-social. La perspective de nouveaux changements législatifs laisse pour le moins dubitatif. Elle interroge le juriste comme le citoyen éclairé quant au respect de l’exigence de sécurité juridique, consistant à « savoir et prévoir » le droit, selon la formule du professeur Bernard Pacteau. On analysera la teneur de cet impératif sous l’angle de l’appropriation, de la stabilité et de l’effectivité de la norme.
Se pose d’abord la question essentielle de l’appropriation de la norme, par les patients comme par les soignants. Par les patients d’abord. La loi Claeys-Leonetti leur offre de nouveaux droits, en revalorisant les directives anticipées et en renforçant le rôle de la personne de confiance. Peut-on estimer que ses objectifs sont atteints, quand seulement 48 % des Français connaissent les directives anticipées (Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie, 2021) ?
Par les soignants ensuite. Alors que la loi introduit le droit à une sédation profonde et continue jusqu’au décès, les spécialistes reconnaissent que des études complémentaires seraient nécessaires pour mieux appréhender l’appropriation de cette pratique par les équipes (Bretonnière et Fournier, Journal of Pain and Symptom Management, 2021). 91 % des Français affirment que leur médecin traitant ne les a pas informés sur leurs droits et sur les dispositifs existants. S’interroge-t-on enfin sur la persistance de l’obstination déraisonnable – pourtant interdite depuis 2005 – et ses effets, sur les patients comme sur les proches ? Certaines pratiques d’acharnement méritent d’être mieux recensées et combattues afin d’y mettre un terme définitif.